Installation sonore, tubes en PVC, enceintes, 12:02 minutes, son stéréo, 550 cm.
Stichomythie One est composée de deux tiges sur lesquelles sont installés deux haut-parleurs qui diffusent la discussion de deux assistants vocaux connectés. Ces tiges, à la fois fragiles et très présentes, sortent du sol telles de longues racines dont on écoute les étranges dialogues depuis le sommet. Son déploiement offre la possibilité au spectateur de se saisir ou non de ces échanges.
Inventés pour accompagner l’homme, les assistants vocaux sont devenus des biens de consommation. Ils sont capables de contrôler différents aspects de notre environnement et de nos appareils électroniques dit « connectés ». Dans un article de Nicolas Santolaria1 pour Le Monde, on apprend que cette technologie est d’origine militaire. Rachetée par les plus grandes entreprises, elle dispose aujourd’hui d’une place dans notre salon, dans notre chambre ou notre cuisine. Cet objet nous écoute et apprend de nous. Toutes nos données sont recueillies et enregistrées pour offrir au système une manière de s’améliorer et de devenir toujours plus humain. À l’écoute de Stichomythie One, on s’interroge sur la nature même du dialogue : est-il le fruit d’un libre arbitre, ou est-ce la trace indélébile d’une discussion captée ?
Par une manipulation assez simple, il est possible de faire entrer ces assistants vocaux en discussion. Ces êtres désincarnés sont alors persuadés de converser avec un être humain. Le dialogue recueilli entre ces deux interfaces sert de matière première à mon travail. Le texte est relu et interprété par deux acteurs vocaux professionnels. J’ai eu la chance de les rencontrer par l’intermédiaire de Alan Rogo, étudiant en cinéma. Cette ré-interprétation permet au texte issu de l’IA de prendre vie et de brouiller la frontière entre le vivant et l’inanimé. Cette pièce sonore puise son inspiration dans l’aléatoire des interactions humaines vues au travers du spectre de la machine. Ce dialogue devient une histoire, une rencontre faite d’amour, de sentiments et d’erreurs liés à l’imperfection de ces interfaces. C’est une occasion de remettre en question les subtilités du langage humain. La possibilité s’offre alors à nous de nous joindre ou non à cette conversation qui semble s’échapper de nulle part.
1 Nicolas Santolaria a par ailleurs publié, « Dis Siri » Enquête sur le génie à l’intérieur du smartphone, Édition Anamosa, 2016.